La presse écrite ou les médias télévisés ne peuvent plus s’en passer pour un article ou un reportage, quitte à ce que les illustrations n’aient qu’un rapport lointain avec le sujet.

Trois exemples

  • Article de l’Express qui m’a interpellé à cause du décalage entre l’image et le titre : une ambulance à pleine vitesse pour traiter de la conformité de prothèses. Certes une ambulance appartient au « milieu » médical, mais c’est le seul rapprochement valable.
  • Sur Euronews, un petit reportage sur un enfant de cinq ans qui a tué sa sœur avec un fusil. Les images montrent tout d’abord des armes à feu dans un magasin, le grand étalage. Ensuite, quelques séquences courtes d’un père apprenant à son enfant à tirer. Pendant ce temps, la voix off énonce le drame américain. Cette fois, l’image prend un sens plus important même si elle ne se réfère pas directement au drame en question, car elle illustre la pensée réelle de l’éditorialiste qui dénonce l’usage des armes à feu, en particulier par des enfants.
  •  Article dans les Echos à propos de l’Allemagne qui s’inquiète de la situation économique de la France. Je trouve la photo excellente pour un quotidien aussi sérieux que les Echos, car elle fait bien plus qu’illustrer : le regard d’Angela Merkel montant au ciel semble exprimer le désarroi le plus total alors qu’un François Hollande premier de la classe et raide comme un piquet passe pour l’enfant qui n’a rien compris. La photo ayant été prise dans une église ne fait que renforcer l’aspect solennel de la situation dénoncée dans l’article.

Plus de poids que les mots ?

L’image est devenue indispensable en presse écrite, même pour les articles qui n’en ont pas besoin. Un article qui n’a pas d’image sera moins lu, de même qu’un article qui n’a pas de chiffres s’agissant d’économie. La maxime « une image vaut mille mots » de Confucius est appliquée au pied de la lettre par les médias et les communicants en tous genres. Au-delà de l’aspect humoristique qu’il peut y avoir dans les décalages ou les sous-entendus, l’omniprésence de l’image constitue un danger pour la réflexion. Alors que les mots par leurs multiples combinaisons laissent un espace d’interprétation et demandent un effort à la lecture, l’image non, si ce n’est celle de l’artiste. Or, peu de personnes produisent des images, les gens écrivent moins, utilisant un vocabulaire plus réduit, notamment avec l’usage des textos et d’internet. Cette diminution de la réflexion coïncide avec une perte possible de recul vis-à-vis de l’information ingurgitée, la liberté de penser et l’interprétation nécessitant parallèlement une distance suffisante entre l’objet (i.e. l’information) et la personne qui le perçoit.