Les excès du monde de la finance étaient déjà dénoncés avant 2008, mais la crise des subprimes a achevé de personnaliser cette nébuleuse comme le lieu du dérèglement de l’économie. Sans nier la part de responsabilité d’une multitude d’acteurs dans les événements de la crise immobilière, encadrer plus strictement les transactions financières ou fractionner les banques ne limiterait pas les crises sans un changement culturel plus profond. Explications.

Le lien étroit entre économie et finance

Le développement de la finance est conjoint de celui de l’économie. La création de la monnaie facilita les échanges de biens, on en retrouve trace sous forme scripturale dans les écrits cunéiforme de Mésopotamie vers 2300 av. J-C. Vinrent ensuite au fil du temps les lettres de changes, la monnaie fiduciaire (du latin fides qui signifie confiance), les actions, les obligations, les produits dérivés… Autant d’évolutions techniques qui permirent :
  • D’augmenter la vitesse de la circulation de l’argent
  • D’augmenter les possibilités de création de monnaie
Il n’est pas anodin de noter que la vitesse se retrouve aussi bien en finance que dans le reste de l’économie. En effet, symboliquement, on peut y comparer le besoin constant d’augmenter la vitesse de production, des transports, des communications… L’augmentation des possibilités de création de monnaie se retrouve directement dans le besoin de croissance : produire plus de biens correspond à vendre plus de biens. Il y a donc nécessité de plus de monnaie si les prix ne baissent pas. CQFD.

A l’origine de la croissance

La création de monnaie relève des banques centrales qui adaptent en fonction de la croissance prévue la quantité de liquidités en circulation. Suivant la théorie monétariste, si la monnaie circulant est excédentaire au besoin des échanges, alors il y a inflation (la monnaie perd de sa valeur car elle présente en trop grande quantité). Il y a deux grands types d’acteurs dans le mécanisme de création monétaire lié à celui de la croissance :
  • Les banques (dépôt, commerciales, centrales)
  • Les particuliers et les entreprises
Les banques ne sont que des intermédiaires financiers entre les entreprises et les particuliers, c’est-à-dire les consommateurs finaux. Elles se rétribuent au passage, mais ne constituent qu’un moyen de la croissance, non sa fin. La croissance repose sur la capacité des entreprises à produire d’une part, la capacité des particuliers à consommer plus d’autre part. L’augmentation de la production peut s’effectuer par le biais de gains de productivité ou par l’apport de nouveaux produits sur le marché, ces derniers nécessitant des investissements préalables. Regardons d’abord les gains de productivité. Selon l’argumentation fordiste à la base de la société de consommation, ils profitent au salarié qui peut consommer plus. Lorsque la hausse de productivité diminue ou lorsque cette hausse n’est plus redistribuée à hauteur des gains réels pour cause de concurrence de pays à bas salaires, alors seul l’emprunt des particuliers permet d’augmenter la consommation, ce qui fut le cas pour les subprimes. Mais ces emprunts, personne n’a obligé les particuliers à les contracter ! Les ogres de la finance ont profité de l’opportunité qui se présentait à eux, certes, mais ils n’ont pas initié seuls ce mouvement d’endettement massif. Venons-en aux investissements apportant de nouveaux produits. L’argent peut provenir de capital existant, de profits ou d’emprunts. C’est ce dernier mode, l’emprunt, qui devient problématique si les banques sont réticentes à prêter. On leur reprocha effectivement dans la suite de la crise des subprimes en France de ne pas suffisamment prêter et ainsi de scléroser l’économie. Mais lorsque des entreprises surendettées font faillite, est-ce aussi de la faute des banques ? Lorsqu’il y a surproduction parce trop d’investissements ont été faits, est-ce la faute des banques ? Enfin, l’emprunt est-il nécessaire pour générer de la croissance ?

La croissance sans emprunt

Que ce soit dans le cas d’une crise ayant pour origine une consommation effrénée ou une crise basée sur une surproduction, l’origine est la même : trop d’emprunts justifiés par le besoin en croissance. La première révolution industrielle illustre qu’une croissance modérée n’a pas besoin d’un endettement massif.