L’effondrement d’une usine d’ateliers textiles dans la province de Dacca a braqué les projecteurs médiatiques sur le Bengladesh. Très rapidement, la lumière s’est orientée aussi sur les groupes internationaux, questionnant leur responsabilité dans ce drame. Ces derniers ont réagi par le biais d’un accord, mais cela changera-t-il le comportement « capitaliste » tendant à exploiter les pays à plus bas salaires ? D’ailleurs, combien reste-t-il de pays à exploiter après le Bangladesh ?

Un drame, deux prises de conscience

Suite au pire accident industriel du pays, 1200 victimes environ, de violentes manifestations ont exprimé la colère des habitants animés par un sentiment de vengeance à l’encontre des propriétaires du bâtiment effondré. Une fois n’est pas coutume, il aura fallu attendre un drame pour qu’une réaction se produise. Vu l’ampleur du désastre, elle ne s’est pas faite attendre trop longtemps, les médias annonçant la signature d’un accord par plusieurs grandes marques mondiales concernant la « sécurité incendie et bâtiments au Bangladesh », proposé par les confédérations syndicales IndustriALL et UNI. Si ce drame marque les esprits par son ampleur, il n’est pas le premier du genre : un incendie avait fait 111 morts en novembre dernier, engendrant également un mouvement de protestation. Les sociétés donneuses d’ordre ont donc en parallèle de cet accord parapluie menacé de cesser d’employer les entreprises bangladaises. Certains acheteurs se sont déjà retirés à cause des risques que représente le pays. En effet, cette catastrophe est une double mauvaise nouvelle pour les groupes internationaux: elle met en lumière les conditions de travail d’une part, le salaire d’autre part. Mohammed Yunus, le père du micro-crédit, réagissant au drame , a plaidé en faveur de la présence des sociétés occidentales, car leur départ endommagerait selon lui gravement l’avenir économique et social du pays dont les exportations reposent à 80% sur le textile. « Cette industrie […] a causé d’immenses changements dans notre société, en transformant la vie des femmes ». M. Yunus propose un doublement du salaire horaire des ouvriers assorti d’un accord international fixant un salaire minimum dans l’industrie textile. En contrepartie, il évoque des gains de productivité à avoir afin de conserver l’attractivité du Bangladesh. Sa voix portera-t-elle suffisamment pour éviter des délocalisations ?

Quelques chiffres

Le Bangladesh est le second exportateur mondial de textile : 16 milliards d’euros dont 60% en direction de l’Europe, son principal client. Le salaire mensuel des ouvriers s’élève à peine à 40$. Il s’agit d’un salaire plus faible encore qu’au Cambodge (70$) et largement inférieur à celui de la Chine où le salaire minimum varie entre 140$ et 240$. Cependant, existe-t-il des pays où le salaire demeure inférieur à ces 40$ et où les sociétés occidentales pourraient encore trouver de nouveaux sous-traitants ? Sans grande surprise, nous retrouvons des états africains pour la plupart, dont l’Ethiopie qui a déjà fait parler d’elle en France à propos de délocalisations chinoises. Le PIB n’est pas le salaire ouvrier, mais il y a une corrélation certaine entre les deux éléments. En complément, il convient d’avoir en tête le PIB par habitant français (42 379$) pour comprendre l’ampleur abyssale des écarts.

Quel avenir pour l’industrie textile ?

Le gouvernement bangladais, poussé à l’action par les revendications ouvrières, annonce une augmentation du revenu mensuel. Cette hausse des salaires va-t-elle inciter les entreprises à délocaliser ? Les propositions de Mohammed Yunus seront-elles prises en compte ? Une partie de l’industrie textile va se délocaliser progressivement en Afrique, du moins celle à destination de l’Europe, comme permettent de supposer les prévisions du FMI envisageant une croissance entre 5 et 6% dans l’Afrique subsaharienne. Cette croissance fournie par les pays développés justifie l’exploitation. D’autant qu’elle est nécessaire pour réduire les instabilités politiques et le terrorisme. Ce faisant, la liste des pays dans lesquels délocaliser la production textile à moindre coût diminuera comme peau de chagrin…