La saga de l’écotaxe touche à sa fin. Né suite au Grenelle de l’environnement en 2008, le projet avait largement rassemblé les parlementaires aussi bien en 2009, lors de son premier vote, qu’en 2013. Pourtant, suite aux diverses revendications des sociétés de transport et des bonnets rouges, l’écotaxe vient d’échouer sur le bas-côté.
Est-ce une victoire pour les transporteurs ?
Avant de répondre à cette question, examinons d’un peu plus près le secteur du transport routier en France. Il est composé principalement de petites structures : 90% des entreprises ont moins de 50 salariés, et 75% moins de 5. Elles n’ont pas d’assise financière suffisante, et sont peu présentes hors de nos frontières. A cela s’ajoute une faible profitabilité qui s’explique par des coûts salariaux et de carburant plus élevés, et par une activité en berne.
En termes de productivité, les chauffeurs français roulent peu en comparaison de l’Allemagne ou des Pays-Bas. La concurrence est encore plus rude en provenance des pays de l’Est, notamment de la Pologne dont les chauffeurs sont nettement moins rémunérés qu’en France. Or cette concurrence touche directement les transporteurs français qui n’en finissent pas de perdre des parts de marché à l’international.
Les entreprises de transport routier en France sont donc pressurisées, leur marge brute s’est considérablement amenuisée depuis une dizaine d’années .
En moyenne, entre 2006 et 2013, le taux de défaillances s’élève à 3,4%, contre 0,9% pour l’ensemble de l’économie. Bien que les créations d’entreprises compensent cette mortalité élevée, on note une chute de 21% de l’activité entre 2007 et 2012.
Ce sont les prix qui ont fortement baissé, de même que les marges comme nous l’avons déjà vu. On constate clairement, sur les deux graphiques précédents, l’impact de la crise des subprimes. La désindustrialisation constitue quant à elle un facteur structurel pénalisant l’activité.
Dans ce contexte, quel était l’intérêt de mettre en place une taxe sans solution de remplacement pour le transport routier ? L’idée de l’écotaxe était de financer de nouvelles infrastructures de transport au niveau fluvial ou ferroviaire. N’était-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ?
La comparaison avec l’Allemagne, qui a mis en place une ponction similaire, a souvent été mise en avant pour justifier l’écotaxe. Nous avons vu que les chauffeurs allemands roulent plus que les chauffeurs français. Ajoutons à cela que l’industrie allemande exporte davantage que sa consœur française, facilitant les débouchés à l’international au niveau transport. Nous obtenons ainsi deux situations différentes.
La problématique me paraît bien plus complexe que ne le laisse entendre la presse qui a tendance à critiquer les sociétés de transport routier, à l’image du journal Le Monde : « cette loi a ensuite subi de plein fouet le lobbying des transporteurs routiers et de quelques élus locaux ». Les Echos ne font pas mieux : « Les syndicats patronaux du transport routier peuvent plastronner ».
Les transporteurs apparaissent comme le bouc émissaire d’une affaire qui se cherche un responsable et qui, comme d’habitude en France, n’en trouvera pas. En réalité, les transporteurs ont juste gagné le droit de survivre. On peut d’ailleurs remettre en question le principe du pollueur-payeur dans ce cas précis, car l’ensemble de la distribution de marchandise incite au transport routier : nous sommes collectivement responsables du fait qu’il faille des centaines de camions sur les routes pour approvisionner les entrepôts et magasins qui constituent un pilier de la société de consommation.
En guise d’ouverture, évoquons une pollution bien plus grande dont on ne parle pas : celle des camions circulant en Asie, celle des usines non soumises à la moindre norme, et surtout celle des porte-conteneurs traversant les océans pour acheminer jusqu’aux côtes françaises tous les produits dont la fabrication a été délocalisée.