Le 20 mars, suivant la résolution 66/281 du 12 juillet 2012 des Nations Unies, est la journée internationale du bonheur, de quoi réjouir ponctuellement les coeurs en ces périodes troubles. Mais décréter une journée internationale du bonheur n’est-il pas en soi un aveu d’échec à accéder de manière permanente au bonheur ? Et dans ce cas, quel intérêt de promouvoir le bonheur s’il reste une sensation fugace dans une vie de labeur ? Éternelle question philosophique que celle du bonheur. Comme d’habitude, qui dit philosophie, dit Platon. Notre fameux père de la philosophie promut un bonheur spirituel dans la béatitude de la contemplation de l’Un (Dieu). Peu après, Aristote fit redescendre un peu sur terre le bonheur par le biais du plaisir. Avec le moyen âge, le bonheur se perdit dans le ciel pour revenir directement à l’intérieur de l’homme grâce à la Renaissance de la philosophie. Mais la révolution industrielle incita, notamment avec Marx, à externaliser le bonheur au travers du travail. De manière un peu simpliste, le bonheur hésite toujours à se trouver un centre de gravité entre l’homme (souvent qualifié dans ce cas d’égoïste, et de manière moins péjorative, d’hédoniste), l’autre (l’amour, l’amitié), la société (le travail), voire la contemplation, qu’elle soit philosophique ou religieuse. Si le bonheur résulte de l’assouvissement du désir, il est clairement impermanent et individuel. Aussi se heurte-t-il à la morale commune ou à l’autre, nécessitant des compromis. Par cette journée internationale, l’ONU entend que « le bonheur et le bien-être sont non seulement des aspirations universelles mais qu’ils devraient être pris en compte dans les objectifs politiques ». Très bien, mais tout dépend ce que l’on entend par bonheur et les conceptions sont de nos jours comme hier aussi diverses que les morales existantes, religieuses ou philosophiques. Le bonheur est un terme à sens multiple. Le sens du bonheur est tellement évanescent quand on essaie de le saisir qu’il me paraît idéaliste de donner le bonheur comme sens politique. De plus, quels instruments les politiques ont-ils en leur pouvoir pour favoriser le bonheur ? La situation économique mondiale illustre chaque jour l’impuissance et souvent l’absence de volonté du pouvoir politique à agir dans le sens de conditions matérielles équitables pour ne pas employer le terme d’égalité, tout aussi idéaliste et vague que celui de bonheur. Instaurer le bonheur comme objectif politique, c’est placer l’accès au bonheur hors de l’individu. Non seulement il faudrait définir préalablement le bonheur avant de le donner comme objectif, mais faire porter la responsabilité de l’atteinte du bonheur sur le politique est la marque d’un centre de gravité placé plutôt sur la société que sur l’individu. Pour ma part, on pense que mon bonheur n’est celui de personne d’autre dans sa définition. Aussi fugace soit-il, il ne saurait être espéré d’une autre personne que moi-même, quelle qu’elle soit.