lego Moribonde au début des années 2000, la célèbre marque danoise de jeux de construction a renoué avec la croissance grâce à un recentrage sur son cœur de métier. Le magazine Challenges vient de lui consacrer un article intitulé « Le miracle de la renaissance de Lego », mais curieusement, il n’évoque pas la contrepartie de ce nouveau dynamisme économique : l’augmentation du stress chez les salariés. Pour retrouver croissance et bénéfices, la société Lego a pu s’appuyer sur son nom, une marque possédant une aura d’autant plus grande qu’elle est passée dans le langage courant. L’article de Challenges illustre ce pouvoir : « Ce n’est pas la qualité de son produit qui fait la différence, mais la marque et l’émotion qu’elle transmet. » « L’entreprise excelle aussi dans l’animation de sa communauté. « Lego est en fusion avec ses consommateurs », remarque Frédérique Tutt, analyste du marché mondial du jouet à NPD. Le Lego Club compte 4 millions de membres. Dans les corners Lego des magasins, la marque est théâtralisée à l’aide d’animations. » La puissance de la marque n’est bien entendu rien sans une stratégie rationnelle adaptée au marché. En l’occurrence, Lego s’est recentrée sur son cœur de métier, sa chaîne d’approvisionnement a été optimisée, elle a su s’adapter au monde virtuel de l’Internet en créant des vidéos, « des contenus digitaux qui débouchent sur des gammes physiques ». Tous ces éléments sont mis en avant par Challenges pour acclamer une réussite qui fait d’autant plus rêver qu’elle renvoie au paradis de l’enfance. Cependant, à en croire un article d’un journal danois paru dans Courrier international, le quotidien des salariés de Lego ne s’est pas amélioré au cours de la dernière décennie : « En effet, on leur met la pression pour créer toujours plus de croissance et générer toujours plus de bénéfices. De plus, ils sont constamment évalués pour voir s’ils méritent un bonus. Résultat : le nombre de salariés stressés augmente. « L’esprit Lego est en train de disparaître », exprime en chœur les salariés. » L’article de Challenges met en avant des éléments de solution (cf. article précédent sur le journalisme de solution) pour la croissance d’une entreprise internationalement réputée. Il illustre une attitude médiatique proactive qui se concentre sur la dynamique économique et peut ainsi occulter les externalités (i.e. retombées) négatives, en l’occurrence, l’augmentation du stress. Ayant été publié après celui de Courrier international, il fournit un bon exemple de la volonté de croissance qui anime une large part de la population, au point de passer sous silence les inconvénients du développement. Des inconvénients que je constatais encore ce week-end en dînant avec des amis qui témoignaient d’une intense activité professionnelle. Stress et fatigue sont les maux modernes d’une société qui a conscience de ces symptômes, mais qui est impuissante à les soigner. Cette société se divise, l’écart se creuse entre d’une part les actifs qui courent toujours plus longtemps et toujours plus vite afin de retrouver la croissance perdue, d’autre part les inactifs dont l’exclusion est tout aussi angoissante que le stress du travail.