Publié le : 10 juillet 20207 mins de lecture

Depuis 2008

La capacité de surendettement des ménages américains constitua la pompe de la bulle immobilière américaine de 2008. Le surendettement, c’est de l’argent sans valeur. Cette monnaie libérée par l’éclatement de la bulle ne pouvait être rendue à la nature sous peine d’intoxiquer l’économie entière, il fallait la transférer en lieu sûr. Les états ont donc aspiré cet air vicié, directement ou indirectement, provoquant une crise de la dette. Tout l’air n’a pu être aspiré. Certaines banques se sont donc vaporisées avec la bulle, provoquant chez les survivantes un réflexe pavlovien: retenir sa respiration, de peur d’inspirer de cet air pollué, potentiellement létal.

Quand les banques cessent de respirer, l’heure est grave. C’est l’économie entière qui peut s’en trouver paralysée. Traumatisés par la crise de 1929, économistes et politiques ont donc fait fonctionner mondialement ce qui s’appelait encore récemment « la planche à billet », rebaptisée « quantitative easing » pour que cela fasse plus classe, puis QE1, QE2… QEn pour que cela fasse plus rigoureux. L’objectif était de redonner du souffle à l’économie.

S’agissant plus particulièrement de l’Europe, le principe fut exactement le même en Espagne et la crise grecque préfigure celle à venir : prêts octroyés par Goldman Sachs et maquillage des comptes pour masquer la réalité de la dette. Si les moyens sont différents aujourd’hui, l’escamotage des réalités afin de conserver voire augmenter les acquis économiques de chacun n’en demeure pas moins l’origine.

Un feu peut en cacher un autre

Concrètement, cette inondation monétaire n’est rien d’autre qu’une opération de type pompier pour éteindre un incendie. Maintenant que l’économie mondiale est submergée et que le feu semble éteint, il faut à nouveau amorcer la pompe de la croissance. Seulement, et c’est ce que refusent de voir les économistes, il n’y a pas de croissance réelle possible en Europe pour l’instant à cause de la pauvreté massive dans le monde conjuguée à une augmentation constante de la productivité grâce à la mécanisation, engendrant une concurrence féroce, chacun souhaitant avoir sa part du gâteau.

Le voyage en Inde de François Hollande illustre la manière dont l’Occident se voile la face en croyant pouvoir trouver des débouchés de croissance. Au plus, les contrats signés donneront lieu à un transfert de technologies, souhaité bien évidemment par l’Inde comme le précise M. Barnejee. Refuser de regarder cette réalité peut mettre en péril notre démocratie. Il n’y a pas de solution indolore, bien que les politiques fassent miroiter la croissance, puis avouent péniblement que c’était pour le bien de tous qu’ils y ont cru eux-mêmes.

Les limites du modèle actuel

Notre modèle démocratique ne sait faire qu’une seule chose : additionner. Nous sommes incapables de retrancher, si ce n’est détricoter pour créer une usine à gaz encore bien plus démente. Ainsi en est-il pour l’ensemble de nos lois. Ainsi en est-il surtout de la croissance, impossible à mettre en question, car cela serait synonyme d’instabilité politique en Occident.

La principale limite de ce modèle, à l’image de l’empire romain en décadence, c’est la sclérose sociale, l’impossibilité d’augmenter les libertés individuelles. Attention, j’évoque la liberté et non l’échelle sociale. Considérer la société comme une échelle ou une pyramide est un lieu commun ancestral malheureux. Si vous prenez cette hypothèse comme modèle d’organisation, il faut forcément remplir le bas de la pyramide… De ce fait, la liberté est éclipsée pour ceux qui sont en bas, et la vie se résume à une lutte pour grimper.

Plutôt que de questionner la croissance, nous préférons interpréter économiquement l’Histoire et condamner unanimement l’austérité allemande alors même que l’arrivée au pouvoir d’Hitler fut commémorée fin janvier. Voilà un symbole extrêmement puissant. Il y a un an, quelques voix s’élevaient en faveur de l’Allemagne, aujourd’hui, Angela Merkel est seule.

Rendre l’inflation du mark responsable de l’avènement d’Hitler, c’est oublier la guerre de 14-18, les réparations insoutenables exigées par la France. Hitler a su exploiter le sentiment national de vengeance à l’égard de la France, ayant lui-même une vengeance extrême à assouvir à l’égard des juifs. La signature de la capitulation à Compiègne, dans ce même wagon où fut signé l’armistice en 1918, symbolisait à l’époque la rancœur allemande envers la France.

Une bulle mutualisée, c’est un ballon

Une fois que l’Histoire a pu être mise de côté, la bulle sur les dettes d’états européens peut gonfler. Beaucoup de pays n’ont strictement rien réglé à leurs problèmes économiques internes et parient sur une croissance illusoire sans laquelle les déficits vont encore se creuser. Comment espérer de la croissance quand chaque jour les plans de licenciement s’égrènent ?

De leur côté, les Etats-Unis ont gagné un bref répit grâce aux gaz de schiste, mais ce n’est que temporaire. Derrière le vernis hollywoodien se cache une pauvreté rampante et surtout des inégalités à la mesure du pays. Comme d’habitude, Stiglitz constate les choses, mais donne une seule unique solution : toujours plus de croissance. Grâce à l’énergie, les Etats-Unis éviteront donc cette fois d’être l’auteur de la bulle, mais ils en subiront aussi les conséquences.

L’autre signe majeur confirmant cette bulle sur les dettes des états européens, c’est la dévaluation ambiante sous-titrée « guerre des monnaies », pariant encore une fois sur la croissance, mais ne pouvant qu’alimenter naturellement cette bulle keynésienne aux allures de ballon dirigeable type Hindenburg. Seulement cette fois, personne en Occident ne pourra en aspirer les émanations quand elle éclatera…