Publié le : 10 juillet 20204 mins de lecture
Internet divinité chrétienne

Edward Snowden ou des contributeurs Wikipédia, a instantanément attiré mon regard. Le thème du sacré faisant partie de mes dadas, il ne pouvait en être autrement. D’autant que j’ai écrit dernièrement un billet à propos du caractère religieux des keynotes d’Apple. La journaliste de Rue89, Claire Richard, conclut son article en se demandant pourquoi des statues sont ainsi façonnées. Elle fournit quelques pistes :
« elles [les statues] montrent l’importance émotionnelle qu’a pris le Net aujourd’hui dans nos vies ;

elles marquent un désir d’incarnation de ce Net omniprésent : en mettant en valeur les personnes qui le font et lui donnent forme, et plus littéralement, en lui donnant un corps de ciment, d’argile, de cire ou de résine ;

elles montrent qu’on est entré de plain-pied dans la phase de mémorialisation du Web, de la création de ses mythes et de ses épopées (la saga d’Apple, la bataille du libre, le martyre d’Aaron Swartz, les héros humbles et méconnus de l’Internet Archive…). »

Creusons un peu. Au sein de la nébuleuse Internet, je distinguerais l’objet, qui permet la connexion, du réseau. La Toile est un ensemble d’objets connectés les uns aux autres via un gigantesque réseau. L’objet, que ce soit un ordinateur, une tablette ou un téléphone, a certainement une importance émotionnelle au même titre que tout autre objet de la société de consommation, en particulier s’il s’agit de la marque Apple. En va-t-il de même pour le réseau ? Ce dernier, de même qu’une route ou un câble de téléphone, représente un lien, un cordon entre deux objets. Il est nécessaire pour établir la connexion. Tant qu’il fonctionne, on n’y prête en général pas la moindre attention. Par contre, dès que le lien se rompt, c’est le drame.

Internet, dans la lignée du téléphone ou de la télévision comporte donc une importance émotionnelle en tant que lien social. Un lien peut-il s’ « incarner » ? Cette question renvoie directement à des considérations d’ordre religieux, nécessairement chrétiennes. Selon Saint-Jean (1 Jean 4 : 8) : « Dieu est amour ». Dieu peut ainsi être conçu non seulement comme une personne, mais aussi comme un lien qui s’est incarné en Jésus. Un lien créateur de l’univers. Par analogie, Internet, en tant que lien, crée à chaque instant un univers avec lequel nous interagissons et qui se substitue aujourd’hui en bonne partie au monde réel. Cette substitution ne cesse de s’accroître dans le temps avec la robotisation, l’automatisation et la connexion de plus en plus grande au réseau.

Internet joue dans une certaine mesure le rôle du Père car il répond aux questions. Il permet d’apprendre quantité de choses sur le monde réel, déchargeant ainsi les parents. Bien entendu, ce n’est pas Internet lui-même qui fournit les informations, mais les internautes, de même que ce n’est pas Dieu lui-même qui a écrit les textes sacrés, mais des êtres humains qui ont retranscrit leur inspiration. Internet crée un univers contenant le bien et le mal, de même que Dieu. L’analogie trouve une limite dans le fait que le monde d’Internet est virtuel tandis que Dieu crée le monde réel. Cependant, une doctrine comme le transhumanisme, la prolifération des objets connectés se greffant sur l’homme, peuvent commencer à faire douter que l’homme vive encore pleinement dans le monde réel. Internet constituerait donc une divinité d’inspiration chrétienne, peut-être une manifestation du Dieu des chrétiens, mais aussi peut-être un concurrent de ce dernier…